pieter van bogaert
pieter@amarona.be
Regarder jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à voir
_imovies_ de els opsomer
dans <H>art, 2006
Els Opsomer voyage beaucoup. Chemin faisant, elle se fait des amis et, en sa qualité d’artiste, elle prend de nombreuses photos. Parfois, ces photos et ces nouveaux amis se rejoignent dans une nouvelle œuvre. Les dernières années, ses œuvres se présentent souvent sous la forme de projections vidéo qui portent le titre d’ _imovie . Cet été, au MAC’s à Hornu, les trois premières projections de la série sont présentées ensemble pour la première fois.
Le nom _imovie réfère bien entendu au logiciel de vidéo qu’Apple fournit avec ses ordinateurs. Ce logiciel fait partie de la suite logicielle « iLife » qui offrent des applications pour l’« iMac » et l’« iPod ». Chez Apple, le « i » renvoie encore à l’ère de l’Internet et ces logiciels standards aident les utilisateurs à organiser leur univers numérique. Chez Els Opsomer, le « i » recouvre une tout autre portée.
Ce pourrait être de le « i » d’investiguer, car c’est ce qu’elle fait avec ses photographies : elle les introduit dans le numériseur et les soumet à une analyse en profondeur. Elle en relève des bribes pour tenter de saisir ce que la mémoire efface. Ce qui subsiste parmi tous ces détails est une impression très personnelle, ce qui donne aux _ imovies le « i » de l’intime.
Ou s’agit-il du « i » d’intermédiaire ? Les images d’ _imovie [one] : the agony of silence (2003) ne font pas uniquement référence à un voyage en Palestine, mais aux images médiatiques auxquelles elle fait face chez elle. Cette démarche rend cette vidéo plus reconnaissable ; elle renvoie à une situation que nous connaissons tous.
Ou n’est-ce pas le cas ? Ces vidéos se concentrent en effet de manière convaincante sur les grandes différences entre le monde proche et le monde lointain, entre le monde intérieur et le monde extérieur. Ce qui lui donne le « i » d’imaginaire. Quand Els Opsomer se rend à Sao Paolo pour faire _imovie[2] : in-between/shifting (2004), elle filme comme une extraterrestre, comme une personne entièrement étrangère qui a du mal à franchir les murs de la mégalopole. Nous voyons des personnes, des silhouettes, de la vie… Mais les images sont petites, floues et lointaines.
Els Opsomer montre la différence entre le corps et la photo, entre le tangible et l’intangible, entre la représentation et la fantaisie. Il est question d’images, d’idées, d’univers qu’elle tente sans cesse de faire coïncider pour continuer à fonctionner. Il s’agit de la façon dont elle interagit avec son environnement. Cela donne au _imovie le « i » d’identité, l’incontournable I majuscule anglais.
Dans _imovie[3]_: silver lips/for me Els Opsomer se sert d’images prises au Sénégal. C’est son œuvre la plus personnelle. Tout tourne autour de l’être aimé, là-bas, en attente de papiers lui permettant de la rejoindre, ici. Paroles et images, idée et réalité, théorie et pratique, blanc et noir n’ont jamais eu l’air si éloignés que dans ce message épistolaire en vidéo. Les photos ne sont plus analysées, mais goulûment palpées. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à voir.